Femmes burundaises fâce à la résolution du conflit lié au troisième mandat

Si la Femme est si faible et si vulnérable, pourquoi tous les peuples affirment-ils depuis la nuit des temps qu’il y en a toujours Une à l’origine de toutes les grandes choses ?

  1. Femme burundaise

La Femme burundaise assise entre deux chaises, tout aussi inconfortables l’une que l’autre : celle de la  tradition et celle de la modernité.

Côté tradition, elle a des droits qui commencent là où finissent ceux de l’homme. Et les droits du mâle sont infinis. Dans une culture à tradition orale, où la parole est centrale, même son droit à s’exprimer est contestée « La poule ne peut pas pousser de cocoricos quand le coq est là »!

En même temps, la tradition reconnaît à la femme le rôle central dans le foyer. « Umuhushatunga ahusha umugore/ L’homme qui a raté le tournant dans le choix de sa femme n’ira jamais très loin ». Mais la répartition des tâches ne lui laisse aucun répit. Le « data aratema, mama ararima/ papa désherbe et maman cultive » c’était du temps où il y avait encore des terrains laissés en jachère. Avec la surpopulation, tout est exploité. Du coup, papa a quitté la scène du désherbage, et maman a pris tout sur elle : cultiver, mettre de l’engrais, sarcler, récolter. Et avec ça, elle est quand même épinglée comme « ne travaillant pas » et, par voie de conséquence, n’ayant droit à rien. Surtout pas à la terre. Ni chez ses parents, ni chez son mari.

Côté modernité, même ambiguïté. L’article 13 de la Constitution burundaise, garanti l’égalité homme-femme et la démographie montre que plus de 50 % de la population est féminine. Pourtant, la même Constitution doit préciser qu’au moins 30% des postes au Parlement et au Gouvernement doivent revenir aux femmes. Comme une discrimination positive. Et là où l’injonction n’est pas obligatoire (Provinces, communes, collines…) elle est  presque absente.

Le Burundi a ratifié la Convention contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. En avril 2009, le nouveau Code pénal a renforcé la répression des violences sexuelles, des violences domestiques et du harcèlement.

Pourtant, on remarque partout la présence de dispositions législatives discriminatoires à l’égard des filles et femmes :

  • Vide juridique en matière de succession
  • Violences sexuelles et domestiques généralisées et quasi impunies. Certains viols sont commis par des agents de sécurité sur leur lieu de travail ; beaucoup d’autres par des enseignants sur des mineures placées sous leur responsabilité. La sanction, quand sanction il y a, consiste souvent en une simple mutation.
  • Difficulté d’accès à la justice : les procédures judiciaires sont très longues et coûtent trop chères. Le jugement est parfois tributaire de la corruption. De plus, les femmes ont peur de s’exposer aux représailles vis-à-vis des personnes contre lesquelles elles portent plainte. D’autant plus que la violence domestique est souvent socialement considérée comme légitime.
  • Dans les faits, accès limité des filles à l’éducation et donc au marché du travail et aux soins de santé.
  • Féminisation de la pauvreté.
  1. Conflit actuel

Le conflit actuel burundais est un conflit politique consécutif au refus, par une partie de la population, de voir le Président de la République briguer un troisième mandat au mépris de la Constitution et des accords d’Arusha. C’est un conflit qui tue, brime et donne lieu à des départs massifs de réfugiés.

C’est également un conflit que d’aucuns souhaiteraient rendre ethnique.

  1. Les leviers de résolution

Les femmes burundaises, même si elles ne peuvent pas faire des miracles, ont des atouts pour influer sur la situation actuelle :

  • Leur état de femme: La femme est plurielle. Elle est fille, sœur, épouse, mère aussi bien des manifestants que des imbonerakure, autant des gens au pouvoir que de ceux de l’opposition. Elle peut user de son influence et de son aura sur les uns et les autres.
  • Le fait qu’elles sont les premières concernées: que ce soit par la mort de leur mari, de leurs enfants ; s’ils sont blessés, ce sont elles qui font les garde-malades tout en continuant à se battre pour la survie de la famille; quand ils sont emprisonnés, ce sont elles qui doivent s’organiser pour la nourriture et les visites. S’il faut fuir, ce sont surtout les femmes qui partent avec les enfants et qui doivent gérer cette errance. Les femmes sont les grandes perdantes du conflit, elles ont le plus intérêt au retour à la paix.
  • Le fait d’être de tous les milieux et d’exercer des fonctions diverses: Les femmes qui s’investissent pour la paix sont agricultrices, employées de l’Etat ou du secteur privé, indépendantes ; elles sont de la ville et de la campagne, elles sont journalistes, commerçantes, artistes, juristes, médecins, enseignantes… Elles peuvent agir sur divers publics et démultiplier leurs voix.
  • Elles ont le courage d’assumer publiquement leur position et, même engagées dans l’une ou l’autre partie, beaucoup affichent une grande lucidité et une certaine retenue.
  • Elles ne veulent pas que le conflit tourne à l’ethnique.
  • Ne visant pas, autant que les hommes, leurs intérêts matériels, elles sont plus à l’écoute et adeptes du dialogue constructif.
  • En tant que premières chargées de l’éducation, elles sont les plus impliquées dans la transmission à la jeunesse de valeurs positives et peuvent, de ce fait, mieux influer sur le vivre ensemble.

Pour cela : 

En attendant que le droit puisse pallier aux vides juridiques, il faudrait :

  • Que la femme burundaise soit présente dans toutes les instances de négociation de paix.
  • Qu’elle bénéficie de soutien pour continuer à mener à bien son combat pour la paix (pour pouvoir organiser des séances de sensibilisation, mener des plaidoyers …)
  • Que les femmes vulnérables soient soutenues dans leur course à la survie afin qu’elles puissent assurer le minimum vital à leurs enfants et participer avec les autres femmes à la recherche de la paix.
  • Que les femmes artistes, qui mobilisent la société à la prise de conscience des valeurs de tolérance, de liberté respectueuse de la vie et des droits d’autrui, de la bonne gouvernance et du danger des dérives ethniques, soient soutenues dans leur art.
  • Que les femmes journalistes, qui osent encore élever la voix pour décrier la violation des droits humains puissent bénéficier de protection et de plateforme pour le faire.
  • Que les initiatives en faveur de la paix et du respect de la Constitution, initiées par les femmes, bénéficient de soutien et d’espaces de visibilité.

Que les initiatives, de femmes, visant l’éducation de la jeunesse à la paix et aux valeurs humaines soient encouragées.