Le théâtre au Burundi : un saut dans l’inconnu.

Est-ce que je fais vraiment du théâtre dans le sens classique du terme ? Je n’en sais trop rien. Au Burundi, même à l’heure qu’il est, il n’existe aucune école de théâtre. On peut aisément imaginer ce qu’il en était il y a 40 ans quand je m’y suis lancé. C’était un vrai saut dans l’inconnu. Comme d’autres, qui s’essayaient comme moi à cet art venu d’ailleurs, chacun s’adaptait comme il l’entendait. Certains tenaient à respecter les trois unités (temps, lieu et genre), moi je trouvais que cela allait me garder à l’étroit. D’emblée, je souhaitais un théâtre qui va et qui vient, pouvant aller du tragique au comique avec tout ce qui se trouve au milieu. Comme dans la vraie vie. Ce n’est pas parce que l’action a commencé dans la maison qu’elle ne peut pas se transporter dehors. J’ai donc adapté le théâtre à mes envies du moment, y mêlant au besoin la danse, le chant et le conte. Mon public appréciait et c’est ce qui m’importait. C’est d’ailleurs ce qui m’importe même aujourd’hui. Que les gens vivent des émotions. Qu’ils pleurent ou rient selon les événements, qu’ils vibrent avec les acteurs et qu’ils rentrent contents et avec l’envie de parler de ce qu’ils ont vécu.

Parler en s’écoutant et s’écouter en parlant.

Avoir une fois dans votre vie l’occasion de découvrir la CNV. C’est tout le mal que je vous souhaite. Car ainsi, vous pourrez juger par vous-mêmes. «Autrui ne choisira jamais pour toi la meilleure épouse » (amaso y’uwundi ntagushimira umugeni), disent les burundais. Et ils ont raison: on n’est jamais mieux servi que par soi-même!

Nous sommes des humains, dotés de la parole. Un outil de plus dans la communication. Or, comme le dit si bien Marshall Rosenberg, les mots sont des fenêtres ou des murs. La parole mal utilisée peut s’avérer une arme plus meurtrière qu’un fusil ou un couteau. Se donner la chance de savoir manier la parole à bon escient est un cadeau inestimable. Et la CNV nous l’offre. Elle nous permet de nous affirmer sans écraser les autres, d’être à l’écoute de nos besoins et de ceux des autres, de nous accueillir avec bienveillance dans nos vulnérabilités, afin de dégager de l’espace pour mieux accueillir les autres avec la même bienveillance.

Pourquoi écrire quand on peut juste parler ?

Le Burundi est un pays à tradition orale, laquelle se transmet de génération en génération. Cependant, du fait de l’âge, de la maladie, de la guerre et des autres aléas de la vie, les détenteurs de ce patrimoine oral se font de plus en plus rares. Comme le dit si bien le sage Amadou Hampâté Bâ, « un vieillard qui disparaît est une bibliothèque qui brûle ». D’où, d’une part, mon besoin de recueillir pour transcrire et assurer la pérennité de la parole héritée.

D’autre part, j’écris pour partager ma joie de lire. Il me semble important de retenir les mots, les fixer sur papier et les mettre à disposition de qui veut. J’aime à penser que les mots écrits me survivront. J’écris également pour permettre à quelqu’un de découvrir quelque chose qu’il ignore, et que je saurai, ou sur quoi il s’interroge. Je dirai enfin que j’écris parce que, au-delà du plaisir personnel de jouer et de rêver avec les mots, il est de mon devoir de femme sachant lire et écrire, de mettre ma plume au service de ceux qui ont envie de transmettre et de ce qui doit se transmettre.

Le conte : une véritable école du soir.

Dans nos cultures à tradition orale, le conte a une valeur inestimable. Il témoigne de l’ancestralité de nos us et coutumes.

C’est l’école du soir qui, à travers le merveilleux, prévient les pertes de valeurs en posant les balises de l’interdit, éduque les enfants au respect de la vie, de la tolérance, de l’honneur, de la dignité et de la vérité.

Il véhicule des histoires qui se transmettent de bouche à oreille depuis la nuit des temps. Des histoires que chaque conteuse et chaque conteur manie à sa convenance, y inculquant son âme et son génie. Un trésor mythique qui nous relie à nos racines, depuis des générations. Des histoires drôles qui font rire, d’autres qui effrayent ou qui étonnent, mais surtout qui incitent à réfléchir.

Le conte est un espace de parole offert à tout un chacun dans la famille, pour se nourrir de sagesse et en inculquer aux autres.

Comme le dit si bien George Grillon, le fondateur du Busker’s Festival de Neuchâtel, « Dans un monde où les gens manquent de repères intérieurs, le conte apporte, indépendamment de toute religion, de la nourriture spirituelle, par les mots et au-delà des mots. »